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REGISTRES DU BUREAU
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en la place nommée l'Apport de Paris, se presentoit ung aultre spectacle de platte peinture qui est bien à remarquer. C'estoit une grande perspective, sur la­quelle regnoit une corniche representant le marbre gris, laquelle avoit six toises et demye en lar­geur soubz cyiq toises et demie de hault, en la­quelle on voyoit de loing ung double rang de colonnes, representant aussy le marbre gris, ornées de leurs bases'1) et chappiteaux, tant bien dressez et couchez, qu'il sembloit, combien que ce ne fut qu'une platte peinture, qu'elles fussent vrayement eslevées et distantes bien loing l'une de l'aultre.
Au dessus d'icelle, se voyoit ung double rang de fenestres, renfoncé bien avant en perspective, rem­plies de dames et damoiselles regardant par ces fe­nestres, comme s'il y eust eu une rue en icelle.
A l'un des costez, estoient deux grandes colonnes, telles que le Roy les poite en sa devise, avec l'in­scription : PIETATE ET IVSTICIA, au bas des­quelles estoient les figures de Religion et Justice.
A l'autre costé, estoient deux autres colonnes de pareilles grandeur et proportion, en l'une desquelles estoient les armoiries du Roy, et en l'autre celles de la Royne; les deux colonnes representans les maisons de France et d'Auslriche, qui se sont ainsi alliées par ce mariage. Au bas d'icelles, estoient les figures de Clemence et Fcelicité, comme ayant esté ce mariage la principalle cause de la clémence dont le Roy a usé envers ses subjeclz, par son edict de paciffication, et par consequent de nostre félicité pre­sente et advenir.
Au millieu de ceste perspective, estoit ung palais basty d'aultres colonnes, à l'entrée duquel el sur ung grand perron, auquel il failloit monter par cinq ou six degrez, seoit une Majesté soubz ung pavillon, appuyée sur des coissins de velours verd, tenant ung sceptre d'or en sa main dextre, ayant à ses piedz, d'ung costé, une figure representant Craincte, au bas de laquelle estoit escript : Timor, et à l'autre costé, une aultre figure representant Honte, au bas de la­quelle estoit escript : Pudor., signiffiant que doresna­vant la Majesté du Roy sera plus craincte, et que chacun venant à son mieulx penser, la respectera davantaige. Au bas duquel perron, y avoit une table d'attente, en laquelle estoient escriptz ces vers :
Magna licet nascens Majestas regia crevit,
QUjEQUE SUO SUB REGE, SED INGREMENTA RECEPIT MAXIMA SUB MAGNIS PRIMO ET TE, CAROLE, NONO.
Et soubz les figures de Religion et de J ustice, estans
soubz les colonnes cy dessus mentionnées, estoit
escript :
Justitia et pietas, veterum custodia regum, majestatis habent ante alta palat1a sedem ,
StIPANTES REGALE LATUS, VI TUTIUS OMM.
Et au dessoubz les figures de Clemence et Féli­cité estant au bas des deux aultres colonnes, estoit escript :
S.EPE GRAVES REGUM CLEMENTIA TEMPERAT IRAS ; PACIS OB IDQUE SACRAM FERT DEXTERA PIGNUS OLIVAM , Cui COMES EST FOELIX CUSCTARUM COPIA RERUM.
Et plus hault, soubz lesd, armoiries du Roy et de la Royne, posées contre lesd, colonnes, represen­tans les maisons de France et d'Austriche, estoit escript :
DUM STABIT JUNCTIS MAJESTAS FULTA COLUMNIS, FRANCOQUE AUSTRIACEQUE DOMUS DURABIT IN .SVUM <-'.
(loir planche III.)
[Pont Notre-Dame.]
De là se trouvoit le Pont Nostre Dame, à l'entrée duquel estoit un arc triumplial d'ordre tuscan et d'une mode qui jamais n'avoit esté veue, duquel l'ou­verture estoit de douze piedz dans œuvre, soubz vingt et deux soubz clef, le bas jusques à la haulteur de l'architrave faict de rochers, parmy lesquelz es­toient nieslez des coquilles de limax et herbages, telz qu'on les veoit aux bordz des rivieres.
Sur la clef de ce berceau, y avoit deux grandz daulphins et ung cancre au milieu, lesquelz daul-phins soubstenoient une grande table d'attente; au costé de laquelle estoient deux statues, l'une d'ung viel homme chenu, ayant longue barbe, couronné de rozeaux et de joncs, et l'aultre d'une femme ayant grands cheveulx, tenant l'un et l'autre ung grand aviron et une cruche jectant eaue en abon­dance, surlesquelles ilz s'appuyoient, pour represen­ter les fleuves de Marne et de Seine qui se rendent en ladicte Ville. A l'endroict de laquelle eaue res-pandue, estoient force petitz arbrisseaulx et quantité
'■' Var. -vases» (A).
'-> Ici est placée la sixième figure de l'imprimé : Peinture perspective devant le Châtelet, place dite l'Apport de Paris, grande planche hors texte, entre les folios 32 ct 33, rattachée au texte qui précède por les mots : -La figure d'icelle ici représentée dcmonstrera le surplusn. On en trouvera cicontre (planche III) la reproduction, réduite d'un liers environ.